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Débauchage du personnel du concurrent

Le 12 juin 2009

En l'absence de clause de non-concurrence

Liberté de débauchage


Le principe est celui de la liberté du travail. Il est donc permis à un autre employeur de proposer un nouvel emploi à une personne encore salariée dans une autre entreprise.

En conséquence, l'embauche par un employeur d'un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle-même, de l'existence d'un acte de concurrence déloyale.

Il doit être établi concrètement d'une part l'existence de manœuvres déloyales et d'autre part que les faits invoqués ont entraîné la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise concurrente et non une simple perturbation ou un déplacement de clientèle

Le salarié est libre de choisir son employeur et de le quitter pour un autre.

Ce nouvel employeur peut être un concurrent du précédent puisque le salarié est libre de choisir son emploi.

La liberté d'embauche implique, comme prolongation naturelle, la liberté de débaucher des salariés appartenant à une société rivale. Mais en raison des risques de désorganisation, le débauchage est entouré de conditions strictes.

Le démarchage de la clientèle de l'ancien employeur n'est pas constitutif de concurrence déloyale s'il n'est pas réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages loyaux du commerce.

Le principe de la liberté du commerce autorise le salarié à se faire embaucher chez le concurrent. Le débauchage du personnel du concurrent n'est sanctionné que si la volonté de nuire et l'existence de manœuvres sont démontrées.

Le débauchage consiste à inciter certains salariés d'un concurrent à quitter leur emploi pour les attirer dans sa propre entreprise. Certes, lorsque les salariés abandonnent régulièrement leurs fonctions et ne sont débiteurs d'aucune obligation de non-concurrence, leur réembauchage est exempt de tout reproche même si le salaire proposé est plus élevé ou si les pourparlers ont commencé alors que le salarié était encore en fonctions ou encore si le déplacement du salarié provoque un déplacement de clientèle.

EXEMPLES :

L'arrêt d'une cour d'appel ayant admis la concurrence déloyale a été cassé pour ce motif alors pourtant que la juridiction avait relevé beaucoup d'éléments : l'embauche, à une même période de cinq VRP et d'une secrétaire commerciale, tous démissionnaires d'une entreprise concurrente, l'attribution à ce personnel de fonctions identiques dans les mêmes secteurs, l'annonce à certains clients du concurrent de ces prises de fonctions et du transfert d'une part importante de la clientèle dans les mois qui ont suivi cette embauche

 

EXEMPLES :

Il ne suffit pas pour condamner une nouvelle société de relever que très rapidement, trois salariés ayant une connaissance précise des activités commerciales de l'ancien employeur sont partis pour la rejoindre, utilisant les connaissances précédemment acquises, deux d'entre eux ayant souscrit au capital

Le salarié débauché, comme le nouvel employeur, peut se rendre coupable de concurrence déloyale. Ainsi, après avoir retenu que l'ancien salarié d'une société avait apporté à son nouvel employeur, concurrent, plusieurs milliers de fiches contenant des données sur les types de matériels acquis par les clients de son ancien patron, les besoins et moyens de ceux-ci et que ce fichier avait servi à les prospecter, la cour d'appel en a déduit qu'en laissant son préposé se servir de ces éléments, l'employeur avait commis des actes de concurrence déloyale lui permettant d'obtenir un avantage anormal.

Il est admis que le départ d'un salarié puisse naturellement entraîner le départ d'une partie de la clientèle qui lui était fidèle.

Il ne peut être fait reproche à un conseil juridique de devenir le salarié d'un concurrent et d'entraîner une partie de la clientèle, si la preuve de manœuvres n'est pas rapportée.

Pratiques licites - La jurisprudence se montre assez libérale et favorable à la liberté de création des entreprises et à la liberté de l'embauche. Plusieurs arrêts sont révélateurs de cette tendance.

L'embauche massive est licite si le départ des salariés ne résulte pas d'une concertation, si l'incitation au départ n'est pas établie

C'est ainsi qu'une société de courtage sur le marché interbancaire ne commet pas d'acte de concurrence déloyale en embauchant des salariés démissionnaires d'une société concurrente, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait pris l'initiative d'approcher ces salariés et tenté de les séduire par des promesses de rémunération plus élevées ou des conditions de travail meilleures

La concurrence déloyale ne saurait se déduire de simples présomptions.

La concurrence déloyale n'est pas prouvée au seul motif que, concomitamment au départ d'un comptable entré au service d'un concurrent, certains clients ont confié leurs dossiers au nouvel employeur. La cour d'appel qui avait condamné le comptable se voit reprocher de s'être contentée d'un faisceau de présomptions.


En présence d'une clause de non-concurrence

Recrutement de salariés tenus à une obligation de non-concurrence


La situation juridique change lorsque le salarié est tenu de respecter une disposition de non-concurrence ou de non-rétablissement.

En effet le salarié dont le contrat prévoit une obligation de non-concurrence viole son engagement en se réembauchant dans une entreprise concurrente. Dans cette hypothèse, une jurisprudence constante sanctionne le nouvel employeur qui s'est rendu complice de la violation de cette obligation, en le condamnant pour concurrence déloyale. Ainsi est-il régulièrement jugé que "toute personne qui, sciemment, emploie un salarié en violation d'une clause de non-concurrence souscrite par ce dernier, commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction"

Cette règle est illustrée de multiples exemples tels que : l'embauche d'un salarié alors qu'il est tenu à l'égard de son premier employeur par une clause de non-concurrence constitue un cas de concurrence déloyale alors que le second était au courant de l'existence de cette disposition par une mention figurant au certificat de travail (CA Paris, 22 sept. 1982 : D. 1983, inf. rap. p. 421, obs. Serra).

S'est rendu coupable de concurrence déloyale un commerçant qui a pris et conserve à son service l'ancien employé d'un de ses concurrents, alors qu'il savait et avait été dûment avisé que cet employé, bien que licencié, restait lié à son précédent employeur par une clause de non-concurrence (Cass. com., 19 oct. 1983 : Bull. civ. 1983, IV, n° 271 ; JCP G 1983, IV, 356).

Le nouvel employeur se rend coupable de concurrence déloyale s'il embauche des salariés d'un concurrent alors qu'il connaissait l'existence de la clause de non-concurrence (Cass. com., 5 févr. 1991 : JCP E 1991, pan. 338). Peu importe que la connaissance ait été concomitante ou postérieure à l'engagement. Est indifférent le moyen par lequel le nouvel employeur a été mis en connaissance de la clause.

EXEMPLES :

Commet un acte de concurrence déloyale celui qui, en connaissance de cause, embauche un salarié lié par une obligation de non-concurrence à l'égard de son ancien employeur, se rendant ainsi coupable de tierce complicité à la violation d'une obligation contractuelle.

La jurisprudence va jusqu'à condamner l'employeur qui a pris connaissance de la clause après la signature du contrat et qui a néanmoins maintenu le salarié à son service.

EXEMPLES :

Concurrence déloyale et obligation de non-concurrence ne sont toutefois pas sans lien. le tiers qui, en connaissance de cause, aide le débiteur de non-concurrence à méconnaître son obligation se rend coupable de tierce complicité à la violation d'une obligation contractuelle et peut, s'il est un concurrent du créancier, être poursuivi pour concurrence déloyale.

Preuve d'une faute



Le débauchage ne devient déloyal que si une faute peut être imputée au nouvel employeur.

Preuve d'une simple faute - Comme toute action en concurrence déloyale, il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve de manœuvres dolosives (Cass. com., 6 nov. 1990 : Bull. civ. 1990, IV, n° 262) ni celle de l'intention de nuire (Cass. com., 3 oct. 1978 : Bull. civ. 1978, IV, n° 207), telle l'intention de désorganiser l'entreprise concurrente (Cass. com., 6 mai 1986 : D. 1986, inf. rap. p. 339).

Une simple faute suffit MAIS La preuve doit en être rapportée.

Préjudice


L'action en concurrence déloyale, propre à la responsabilité délictuelle, requiert la preuve de l'existence d'un préjudice.

La nature particulière du domaine dans lequel la faute est commise - la concurrence - permet de déceler dans tout acte déloyal au moins un trouble commercial, forme de préjudice constitué par la déstabilisation du rival et la diminution de sa capacité de concurrence

La jurisprudence a fait bon accueil à ce concept de trouble commercial qui lui permet, en l'absence de préjudice évaluable, de faire droit à des actions en concurrence déloyale visant à obtenir la cessation d'un comportement anormal dans la concurrence.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation suit la ligne tracée et tient désormais que « les faits de concurrence déloyale, générateurs d'un trouble commercial, impliquent l'existence d'un préjudice.

Si le demandeur ne souffre que d'un trouble commercial imputable à un acte déloyal qui se prolonge dans le temps, il est seulement fondé à demander au juge que soit mis un terme à un tel comportement afin d'échapper aux manifestations futures du dommage ; en l'absence de préjudice consommé, toute demande de dommages-intérêts serait mal venue. La suppression du fait générateur dommageable passe par des injonctions de faire, ou de ne pas faire, prononcées par le juge, de préférence sous astreinte.

Le préjudice avéré de concurrence déloyale se manifeste généralement sous la première forme, c'est-à-dire par un détournement de clientèle qui entraîne une baisse des ventes et du chiffre d'affaires, peu important alors que la clientèle ait ou non été détournée au profit du fautif ; il est à noter que le juge est parfois amené à distinguer, dans le détournement de clientèle, la part relevant des actes déloyaux et celle relevant du jeu normal de la concurrence.